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Amhrán A Leabhair
1 janvier 1998

L'homme sans rêve - Partie III

Tempus_Fugit__by_The_Ripper

Devant eux se trouvait une porte végétale fermée par des roses et des ronces. Elles formaient à elles seules une barrière impénétrable. Aleth prit la main de Logan et la posa délicatement sur une des fleurs, puis elle posa la sienne sur une autre.

« Les roses lisent en nous nos intentions. Seuls ceux qui portent le livre et désirent le rendre peuvent ouvrir cette porte. »

Effectivement, à la fin de sa phrase les branchages commencèrent à se délier, libérant ainsi le passage et leur permettant de pénétrer enfin sur la terre de l'enfant au cœur pur. L'atmosphère des deux territoires étaient sensiblement différente. L'homme sans rêve trouvait en cet endroit quelque chose de très apaisant, mais il n'aurait su dire pourquoi. Comme lisant dans ses pensées, Aleth lui dit :

« Ici, aucun être malfaisant n'a jamais pénétré. Peut être est-ce pour cela que toutes les tensions n'ont pas de prises sur nous ici.
- La porte ne se referme pas? demanda Logan.
- Malheureusement, non. Lorsqu'un être entre par cette porte, elle ne se ferme que lorsqu'il ressort pour ne plus jamais revenir. Tu auras donc compris qu'à partir de maintenant, il faut absolument se dépêcher. Nous venons d'ouvrir la dernière protection entre le cœur pur et les créatures. Et le livre les guide jusqu'à nous. Et nous sommes seuls. »

Au moment où elle disait ces derniers mots, une monstrueuse bête traversa la porte. Elle était énorme, mais ses contours restaient flous. On ne pouvait voir son visage, mais deux grands yeux jaunes les fixaient. La créature s'avança vers eux en levant un de ses bras vers Logan, menaçante, mais Aleth fut plus rapide et lança son couteau dans la poitrine du monstre qui s'écroula et s'évanouit en une fumée noire et étouffante. Dans son sac, l'homme sans rêves sentit une chaleur intense. Il sortit le livre et le regarda. Il aurait juré que l'objet était vivant, tant la chaleur qu'il dégageait était importante.

« Comme je te le dis, chaque acte compte. Il faut que nous nous dépêchions. Celui-ci, dit elle en ramassant sa lame, n'était qu'un éclaireur. Ils savent à présent où nous en sommes. »

Et elle recommença à marcher, plus rapidement, en prenant Logan par la main. Ce dernier sentait que le charme de la terre auparavant inviolée venait de s'évaporer, tout comme le corps de la créature qui les avait rattrapés. Il ne pensait plus à son épouse, qui devait à présent s'être couchée, abandonnant tout espoir de le voir rentrer avant le lendemain. Il ne pensait plus à sa charrue qu'il avait laissée sur le bord de la route, offerte à tous les voleurs qui passaient par là. Son unique objectif était de sauver le livre et tout ce qui en dépendait.

Autour d'eux, la menace devenait de plus en plus présente. Derrière eux les bêtes se rapprochait et comme Aleth lui avait fait remarqué il y a quelques minutes de cela, ils étaient maintenant seuls. Les autres fées devaient s'être réunies près d'Adnan, en sécurité loin des créatures, attendant le dénouement de l'histoire. Les arbres aux alentours continuaient à chuchoter, colportant ainsi loin du front les dernière nouvelles à ceux restés derrière. Une demi-heure plus tard, ils s'arrêtèrent enfin devant une colline sur laquelle était perchée une maisonnette. La nuit touchait à sa fin et laissait sa place, petit à petit, à l'aurore.

« Le chemin s'arrêtera bientôt. La-haut vit celui que nous cherchons. » Elle sourit. « Encore un effort, nous sommes arrivés. »

Et elle commença a monter difficilement la colline. Logan s'approcha et l'aida tout en lui demandant :

« Est-ce que tu es sure d'aller bien?
- Tu sais, la forme que j'ai pris me fatigue énormément. J'ai l'habitude d'être petite, rapide et précise. Aussi grande, je me sens comme maladroite. Et j'utilise beaucoup plus d'énergie.
- Mais pourquoi avoir pris cette apparence si elle te fatigue?
- Parce que ma force s'en retrouve décuplée. Et il le fallait pour te protéger et accomplir notre tâche. »

L'homme sans rêves comprit combien tous les êtres de cette forêt avaient souffert pour l'aider à arriver jusqu'à l'enfant au cœur pur. Soudain, derrière lui, un rugissement retentit. Aleth et Logan se retournèrent en même temps pour découvrir une armée de créatures difformes et menaçantes qui s'étalait au pied de la colline. Eux étaient bientôt arrivés à la maisonnette, mais ils étaient trop fatigués pour accélérer le pas. Les monstres paraissaient insaisissables, faits de pensées, de fumée, de matière évanescente. Comme s'ils étaient des êtres ratés, imparfaits, inachevés. La fée cria :

« Lâche-moi, je vais les ralentir une dernière fois!
- Tu n'as plus assez de force! Tu vas te tuer de fatigue! lui répondit tout aussi fort Logan.
- Je ne compte pas, c'est toi qui a le livre, c'est toi qui doit l'apporter et le donner au Cœur pur! »

Sur ces mots, Aleth se dégagea des bras de l'homme sans rêves et se dressa face aux créatures. Récitant une formule compliquée que Logan ne connaissait pas, elle leva les bras au ciel, invoquant ainsi la puissance de la forêt. Cette dernière, répondant à l'appel de ses sauveurs potentiels, réagit et de nombreuses racines sortirent de terre et s'emmêlèrent, obligeant l'armée à reculer pour ne pas se faire grièvement blesser. Des ronces venaient se lier au racines afin de protéger encore plus l'homme et la fée. Cette dernière, vidée de sa magie, s'écroula. Logan n'attendit pas une minute et prit Aleth dans ses bras. Il gravit les derniers mètres qui les séparaient de la maison en la tenant aussi précieusement que le livre. C'était comme si ses gestes étaient dictés par quelqu'un d'autre que lui, comme s'il savait que si la fée mourait, les ultimes protections céderaient et laisseraient libre champ aux monstres qui les menaçaient. Soudain il vit la porte de la maisonnette devant lui. Il l'enfonça et pénétra à l'intérieur et la referma d'un coup de pied. Et il se retrouva face à l'enfant qui lui dit :

« Et bien, je crois que quelques minutes d'hésitation et c'en était fini de vous...
- Aidez moi, le coupa Logan, il ne faut pas qu'elle meure!
- Je sais, homme sans rêves, mais je ne peux agir sur la vie. »

L'enfant fouilla dans le sac où se trouvait le livre, tandis que Logan déposait Aleth sur un lit, dans le coin de la pièce.

Un fois qu'il s'était assuré qu'elle respirait toujours, il se tourna vers l'enfant et lui dit, d'un ton qui montrait qu'il voulait des réponses :

« Il est temps, je crois que l'on m'explique! On me demande de vous amener ce livre, de sauver ce bois, de sauver ma vie, et au final vous me dites que vous ne pouvez agir sur la vie! Ces monstres dehors, bien qu'ils ne semblent pas vivant, je suis sûr qu'ils le sont!
- Je comprends ton exaspération, homme sans rêves, mais la situation est sans doute beaucoup plus compliquée que ce qu'on a pu t'en dire. Je sais que tu connais la règle d'unicité des actes. Je sais que tu as compris que tu ne pouvais toi même écrire dans ce livre parce que tu es mentionné dedans, et que tu as aussi compris que toutes les créatures de cette forêt sont impuissantes par rapport au livre. Mais il faut que tu saches que je ne peux écrire la mort des créatures. Même si je le fais, cela ne fonctionnera pas. Vois-tu, ce livre a un gros défaut : il ne peut que donner la vie, même si c'est à des monstres dotés de mauvaises intentions. »

Dehors, les rugissements continuaient et des craquements se faisaient entendre. Logan jeta un œil par la fenêtre et s'aperçut que le groupe avait entreprit de passer la barrière, ce qui signifiait qu'Aleth se battait actuellement alors qu'elle n'avait plus de force.

« Et ce n'est malheureusement pas le seul problème. Comme tu le sais, je suis le Cœur pur, je suis celui qui, à partir de maintenant, doit être l'unique à écrire sur ces pages. Aussi, je ne dois pas apparaître dans le livre, sinon je ne pourrais plus mener à bien ma tâche.
- Mais comment voulez vous que l'on se sorte de cette situation si aucun d'entre nous ne peut agir? »

Sur le lit, Aleth gémit. Les créatures avait presque réussi à détruire la barrière.

« Je n'ai jamais dit qu'aucun d'entre nous ne pouvait agir. Comme te l'as dit Adnan, tu n'as pas compris pourquoi tu es ainsi, n'est ce pas?
- Je... » Soudain tout parut plus clair dans l'esprit de Logan. Il existait une solution, tellement simple et stupide qu'elle ne lui était pas apparue.

« Est ce que le livre restera en votre possession?
- Oui. Je ne peux t'expliquer car la magie qui l'anime est très complexe, mais le temps et l'espace n'a pas de prise sur lui.
- Et est ce qu'elle sera sauvée? demanda l'homme sans rêve en regardant Aleth.
- Je ferai tout pour que cela soit le cas, mais il me faut ton accord maintenant, parce que ta vie est sur le point de changer pour de bon. Tu connaîtras ce que tu n'as jamais connu, mais tu devras aussi faire face aux mauvais cotés de la chose... »

Sur le lit, Aleth soupira une dernière fois. Et sa poitrine ne se souleva plus. Dehors les créatures avaient vaincu. Logan s'adressa en criant au Cœur pur :

« Allez y, écrivez, tout n'était qu'un rêve! Je suis en train de rêver! »

Et l'enfant entreprit de tracer les mots. Profitant des derniers instants qu'il passait avec la fée, Logan défit le collier qu'il portait à son cou et le mit entre les mains de celle avec qui il avait traversé tant d'épreuves pour sauver enfin la vie de tant d'êtres.

Puis tout devint noir.

Logan se réveilla dans son lit. Il ouvrit les yeux, la tête encore pleine d'images toutes plus merveilleuses les unes que les autres. Son épouse n'était pas dans le lit, mais il l'entendait s'affairer dans la cuisine. Elle préparait très certainement le petit déjeuner. Il se leva et alla dans la cuisine. Il la trouva en train de trancher du pain.

« Erine...
- Oh, je suis désolée, mais je ne me souviens pas de mes rêves de cette nuit... Mais j'ai écrit celui d'hier, que je n'ai pas pu te raconter car tu étais en retard. Veux tu que je te le lise?
- Erine, aujourd'hui c'est toi qui va écouter le mien... »

Et Logan lui raconta l'histoire qu'il avait rêvé cette nuit là. Sa femme l'écoutait attentivement, heureuse qu'enfin le Rêve soit venu visiter les nuit de son époux.

Plus tard, Logan sortit pour aller couper quelques arbres, afin de faire ses provisions pour l'hiver à venir. Il s'enfonça dans la forêt et trouva, planté sur un arbre, un curieux poignard, dont le métal et le bois était méconnus. Et sur le manche était accroché un collier qui aurait dû se trouver au cou de l'homme qui désormais savait ce qu'était un rêve.

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Commentaires
E
Hihi :)<br /> J'ai dans l'idée d'écrire une suite, qui pourquoi pas mettrait en scène l'enfant de Logan... A voir donc :)
E
J'adore cette fin ! Ca me rappelle un peu celle de Neverending Story...
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